Dialogue avec une infirmière

Dans ma famille, Melle ma Soeur La Bourgeoise La Vie Réussie est celle qui de son métier a fait raisonnablement le choix. Elle est infirmière, un vrai choix réfléchi

Mais aujourd'hui, devant notre double café respectif, elle me parle des hôpitaux, surtout parce que les médias parlent ces derniers jours des morts regrettables. Elle me dit qu'elle souhaiterait que chacun d'entre nous sache ce qu'il s'y passe. les malades toujours plus nombreux, en attente d'un mieux parce qu'en chirurgie, après une opération, on doit aller mieux non ? elle me parle de sa fatigue, des solutions à donner aux patients qui peuvent engendrer la mort qu'on ne souhaite évidemment pas
elle me parle de cette machine électronique qui diffuse le contenu de la perfusion : si le gosse en est mort c'est tout simplement parce que cette machine sert aussi bien aux adultes qu'aux enfants, et que si tu oublies la petite putain de virgule dans ton dosage, tu l'envoies direct à la morgue.
elle pensait qu'en vieillissant, en prenant de la bouteille, elle n'aurait plus peur de faire des erreurs : c'est tout le contraire. elle et ses collègues avouent qu' avec l'âge, elles ne sont plus sûres de rien. elle me parle de cette anesthésiste qui voudrait ne pas avoir à venir chaque matin. elle me dit "quand t'es jeune tu ne réalises pas qu'une erreur peut provoquer la mort de ton patient, tu n'en prends conscience qu'en vieillissant"
elle me dit qu'elle finira peut-être par choisir un service de gériatrie, là où la mort est quotidienne et où on ne peut te reprocher un défaut de soin....elle ne le fera jamais, elle aime ce taf, elle aime la chirurgie
elle me dit que grâce à son équipe, toutes ensembles, elles tiennent, elles se soutiennent, elles s'entraident. Et qu'au dessus, leurs cadres sont satisfaits de cette ambiance, elle leur permet d'exiger toujours plus d'elles, la réponse face aux problèmes sera collective et le problème se résolvera, une fois encore, en changeant son planning, en finissant plus tard, en prenant les malades d'une collègue qui ne s'en sort pas ce jour-là
elle me dit que chaque jour elle a entre ses mains la vie de ses patients, pas tous mais pas mal, ceux qui sont limites avant d'arriver, comme celui-ci qui fait son arrêt cardiaque 5 minutes après l'admission

elle a des perles de larmes dans les yeux
elle ne pleure pas
elle résiste à la casse de son hôpital, de son métier, de son moral
pour le moment

C'est ma soeur et j'en suis fier

Mr 3
humanisons

Comments

[ksk]

Tu peux être fier… foi d'infirmière.